Sur proposition de sa section de photographie, l’Académie des beaux-arts a attribué, pour l’année 2025, le Grand Prix de l’Académie des beaux-arts en photographie à Sarah Moon.
Ce Grand Prix lui sera remis lors d’une cérémonie officielle à l’Académie des beaux-arts, sous la Coupole du Palais de l’Institut de France, le mercredi 4 juin à 18 heures 30. La cérémonie sera suivie, jusqu’à 20 heures, d’une conversation animée par Sylvie Hugues, correspondante de l’Académie, avec la lauréate qui présentera à cette occasion les artistes qu’elle a décidé de soutenir : Damien Daufresne, Sara Imloul, Antoine Lecharny.
19/05/2025

Photographe depuis 1970 et réalisatrice depuis 1978, Sarah Moon, née en 1941, déjoue les conventions et détourne les codes pour construire une œuvre d’une irréductible singularité. Le champ de sa création s’élargit sans cesse de l’image fixe à l’image animée, de la photographie de mode et du film publicitaire à la recherche personnelle, à partir de 1985, sans que rien jamais ne soit abandonné. C’est la continuité d’un travail mené avec audace et patience, persévérance et invention, qui retient l’attention : elle n’est ni calculée, ni préméditée mais le résultat d’une nécessité intérieure, celle d’exprimer l’écho du monde au plus profond de soi. Dès ses débuts dans la mode et la publicité, Sarah Moon a travaillé à faire d’une photographie « une fiction d’une seconde. »
Chacune de ses images est une histoire qu’elle ne raconte pas mais suggère en la contenant dans le suspens d’un geste ou l’énigme d’un regard : tout un monde possible, non-advenu, qu’elle a su apercevoir et qu’elle nous fait entrevoir.
Sarah Moon explore l’envers des évidences et augmente le monde réel de mondes possibles. En studio ou en extérieur, avec un réflex, un polaroïd ou une caméra, dans un long ou un court métrage, (Mississippi One, en 1991, ou ses 5 adaptations sans féerie des contes de Perrault et d’Andersen dont Circuss - 2002 et Le Petit Chaperon noir - 2010), elle poursuit des traces enfouies dans la mémoire, guette la coïncidence entre les images nées au-dedans et les choses du dehors. Le film ou la photographie réalisé révèle la richesse d’une vie intérieure hantée par les émotions de « l’enfance retrouvée à volonté » (Baudelaire) : non pas une enfance particulière, celle de la biographie, mais l’état ou la vertu d’enfance, l’émerveillement et l’effroi produits par le contact abrupt avec le monde avant que l’œil et le cœur ne soient prisonniers des conventions et usés par l’habitude.
A intervalles réguliers, Sarah Moon a publié, d’abord avec Robert Delpire, son mari, des livres qui sont comme autant de scansions dans un mouvement de création continuée. Elle y rassemble celles de ses images passées qui la relancent : Vrais semblants, Sarah Moon dans la collection Photo Poche, Coïncidences, 1,2,3,4,5, Alchimies, et en 2020 PasséPrésent - catalogue de l’exposition du Musée d’Art Moderne de Paris. Pour celle qui ne sépare pas travail et vie personnelle, la photographie et le film sont une façon de lutter avec le temps, ce voleur.
Anne Maurel