La Fondation Louis Le Masson et François Masson – Académie des beaux-arts expose le "PANORAMA DE ROME VU DEPUIS LA TERRASSE DE SAN PIETRO IN MONTORIO"
À LA VILLA MÉDICIS DANS LE CADRE DU FESTIVAL DES CABANES DE LA VILLA MEDICIS
du 5 juin au 29 septembre 2025
Considéré comme le tout premier panorama de l’histoire de l’art, le Panorama de Rome vu depuis la terrasse de San Pietro in Montorio est une œuvre de plus de 4 mètres exécutée par Louis Le Masson en 1779 et permet d’embrasser d’un seul regard la Ville éternelle.

C'est la première fois depuis 250 ans que le Panorama revient dans la ville où il a été peint. Le Panorama (4,56m de long sur 0,65m de hauteur) est composé de 5 feuilles de papier accolées dessinées et peintes à l’aquarelle et la gouache. La palette de tons chauds, ocre et rouge brun dans un jeu harmonieux, rend la lumière du soleil couchant en contraste avec les verts de la végétation et le bleu du ciel. Les figures du premier plan sont prises sur le vif. Les éléments antiques rapprochent Le Masson de ses contemporains védutistes comme Hubert Robert. Sur le plan géométrique, la maîtrise de la perspective est novatrice ; quinze angles optiques, dessinés depuis le même point, donnent une impression de continuité alors que Le Masson rompt avec la tradition du point de fuite unique de Brunelleschi. Le jeu des ombres est rendu sur l’ensemble des bâtiments, palais, églises, qui présentent Rome « de l’antique à nos jours ». Un système optique, aujourd’hui disparu, permettait de détailler chaque bâtiment. Louis Le Masson a été qualifié « d’inventeur du panorama » par ses contemporains, avant la vogue des panoramas au XIXe siècle.

Le Panorama illustre la fascination de Le Masson pour la Rome antique. Il le grava d’ailleurs par la suite sous le titre révélateur de « Rome moderne au milieu de Rome antique ». Réalisé depuis un promontoire du Mont Janicule, l’artiste déploie sur plus de quatre mètres une vision panoramique de la ville montrant, comme le dit Le Masson lui-même, jusqu’à « la ville antique d’Antium construit sous l’empereur Néron à 40 milles de Rome, dans les ruines de cette ville ont été retrouvés l’Apollon du Belvédère et le gladiateur Borghèse ». Si cette mention des deux chefs d’oeuvres de la statuaire romaine est révélatrice de son admiration pour l’Antique, le fait que le Tempietto de San Pietro in Montorio, élevé vers 1502-1510 par Bramante, apparaisse à gauche et non à droite, et dégagé des bâtiments qui devraient normalement le masquer montre également son goût pour cette architecture Renaissance fortement inspirée des règles antiques.

Ce vaste dessin aquarellé en cinq feuilles est aussi un important exploit technique qui demanda à son auteur quinze angles optiques différents, que ses études de mathématique, de géométrie et d’optique à l’École des Ponts et Chaussée lui ont permis de mettre en pratique. Le Masson s’est représenté à deux reprises au milieu des figurants de cette vaste scène : une première fois se promenant le long du mur de la terrasse avec son portefeuille sous le bras, et une seconde fois au centre en train de dessiner, montrant ainsi qu’il en est l’auteur. Il le fit d’ailleurs graver en 1804 afin d’en assurer la diffusion et sa paternité.
Les rares exemplaires gravés et aquarellés de son panorama étaient prévus pour être montrés dans une boîte d’optique, à l’image des transparents de Carmontelle.

La réalisation de ce type de panorama était en effet un véritable enjeu international. En 1778-1779, le peintre italien Giovanni-Battista Lusieri réalisa au même moment et au même endroit un autre panorama de Rome, en quatre feuilles, destiné à Philip Yorke, futur 3e comte de Hardwicke1. Mais si les deux artistes adoptaient la même vue à 180°, leur démarche se distinguait nettement : Lusieri choisit ainsi d’illustrer les quatre heures du jour sur chaque feuille, et refusa, contrairement à Le Masson, l’intrusion de scènes de la vie quotidienne. Lusieri réalisa plus tard une vue panoramique de la baie de Naples (3 mètres), puis d’Athènes (7 mètres). L’idée des panoramas faisait son chemin et, bientôt exposés dans des rotondes, devinrent rapidement une attraction commerciale : en 1787 le peintre anglais Robert Barker exposa le premier panorama à 360° représentant une vue de Londres sur près de 20 mètres. L’ingénieur américain Robert Fulton obtint quant à lui en 1799 un brevet qui lui donna l’exclusivité de la présentation des panoramas en France.
Face à cette mode nouvelle qui venait de l’étranger, les connaisseurs français se firent un point d’honneur à rendre à Louis Le Masson, injustement oublié, la paternité de l’invention dans un article paru dans la presse le 22 mai 1815 : « S’il faut convenir que l’on doit aux Anglais comme ils le prétendent l’invention des Panoramas (…) la France peut revendiquer cette invention comme beaucoup d’autres. M. Masson (…) fut le premier qui dessina à l’aquarelle une vue de Rome prise de toutes part de dessus la terrasse de Saint Pierre du Mont. Le célèbre (Hubert) Robert se proposait de la peindre à l’huile pour en faire une espèce de panorama. C’est probablement depuis ces deux artistes que MM. Fulton ou Barker ont conçu l’idée dont ils ont fait les premiers essais. »