Les regards éblouis d’artistes oubliés


Par Paul Duchein, artiste, collectionneur passionné par le Surréalisme et les arts populaires, organisateur des « Rencontres d’Art » au Musée Ingres de Montauban

Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles.

Oscar Wilde

 

Il est des êtres habités par un désir fou et irrépressible, celui d’exprimer un monde, leur monde qui ne doit rien aux contingences terrestres.

Loin des basses préoccupations quotidiennes, ces individus qui ne se sont jamais pris pour des artistes nous transportent dans leur univers, animés par une énergie mystérieuse.

Les uns se sentent guidés, répondant à d’occultes appels, d’autres dialoguent avec des personnages qui nourrissent leurs étranges visions apparemment irrationnelles, d’autres encore nous transportent dans des paysages magnifiés par un regard singulier.

Alors médiums, spirites, marginaux ? Ils sont inclassables mais, par commodité, on pourrait les situer aux frontières de l’art brut. Leur champ de prospection est infini ; il conduit ces voyants vers l’exploration d’un univers qu’ils sont seuls à savoir déchiffrer, traduire, exprimer.

Séraphine inventait des fleurs en implorant le Seigneur, Augustin Lesage entendit une voix au fond de la mine lui disant « Tu seras peintre », Modrego se sentit « catapulté sur le mur », Rifi prétendait avoir « des jardins plein la tête », Madge Gill dialoguait avec un esprit du nom de Myrninerest, Labelle s’inspire de la planète Mars... On n’en finirait plus d’évoquer ces mondes merveilleux et souvent douloureux. Nous voilà confrontés à des créateurs étranges, bien loin d’un marché de l’art dynamisé par les spéculations financières.

Sans doute, certains d’entre eux connaissent une gloire relative et posthume comme Gaston Chaissac, Scottie Wilson, Crepin ou Augustin Lesage, d’abord défendus par Dubuffet et par les surréalistes, mais nombreux sont ceux qui dorment oubliés, nous en avons retenu cinq parmi beaucoup d’autres. 

 Jules Godi (1901-1986)  D’origine italienne, Jules Godi exerçait la profession de maçon. La catastrophe du barrage de Malpasset, en 1959 dans le Var, avait englouti toute sa famille et on peut penser que cette tragédie a pu jouer un rôle sur sa destinée car il pratiquait outre son métier, une activité de radiesthésiste.  À l’aide du pendule, ce singulier créateur établissait des points de repère sur la surface blanche, sorte de triangulation de l’espace, se repérant dans certains cas à la figuration astrale. Ses œuvres ont été exposées à la galerie Chave à Vence.     Sans titre, peinture, huile sur carton, 46 x 55 cm, 1976

Jules Godi (1901-1986)
D’origine italienne, Jules Godi exerçait la profession de maçon. La catastrophe du barrage de Malpasset, en 1959 dans le Var, avait englouti toute sa famille et on peut penser que cette tragédie a pu jouer un rôle sur sa destinée car il pratiquait outre son métier, une activité de radiesthésiste.
À l’aide du pendule, ce singulier créateur établissait des points de repère sur la surface blanche, sorte de triangulation de l’espace, se repérant dans certains cas à la figuration astrale. Ses œuvres ont été exposées à la galerie Chave à Vence.
 
Sans titre, peinture, huile sur carton, 46 x 55 cm, 1976
 Fernand Michel (1913-1999)  Il naît dans les Vosges en 1913 et travaille très tôt dans une usine de poterie ; il a alors 12 ans. Puis il apprend le métier de relieur et s’installe à Montpellier où il fréquente des poètes, tels que René Char ou Jean Paulhan.  Dès 1962, fasciné par une plaque de métal oxydé trouvée près de la plage de Palavas, il commence à travailler le zinc, réalisant d’abord de petits paysages avant de composer des figures plutôt féminines et ayant souvent un caractère érotique. Il s’inspire aussi des religieuses du couvent proche de son atelier.  Sa première exposition a lieu en 1964 à la galerie Chave, suivie de beaucoup d’autres. Il décède en 1999. Son atelier, intégré à un musée d’Art singulier, va être inauguré à Montpellier, assurant ainsi la pérennité de son œuvre.     Marie-Madeleine et Sœur Angélique, zinc clouté, 180 x 50 cm. Coll. Musée d’Art Brut et Singulier, Montpellier (ADABS).

Fernand Michel (1913-1999)
Il naît dans les Vosges en 1913 et travaille très tôt dans une usine de poterie ; il a alors 12 ans. Puis il apprend le métier de relieur et s’installe à Montpellier où il fréquente des poètes, tels que René Char ou Jean Paulhan.
Dès 1962, fasciné par une plaque de métal oxydé trouvée près de la plage de Palavas, il commence à travailler le zinc, réalisant d’abord de petits paysages avant de composer des figures plutôt féminines et ayant souvent un caractère érotique. Il s’inspire aussi des religieuses du couvent proche de son atelier.
Sa première exposition a lieu en 1964 à la galerie Chave, suivie de beaucoup d’autres. Il décède en 1999. Son atelier, intégré à un musée d’Art singulier, va être inauguré à Montpellier, assurant ainsi la pérennité de son œuvre.
 
Marie-Madeleine et Sœur Angélique, zinc clouté, 180 x 50 cm. Coll. Musée d’Art Brut et Singulier, Montpellier (ADABS).
Marcelo Modrego (1912-1997)  Né dans un village de l’Aragon, d’une famille de neuf enfants, il exerce divers métiers. Exilé et interné dans plusieurs camps du sud de la France, il s’installe à Montauban. À la mort de sa femme, il s’est senti « propulsé sur les murs », selon ses propres paroles. Il décore son petit appartement puis compose, d’instinct, des tableaux vivement colorés.   Première exposition dans le hall de La Dépêche du Midi en 1971, puis il expose à Bordeaux, Toulouse et à la galerie Chave à Vence. Pour le centenaire de sa naissance, les œuvres de Modrego ont été présentées dans le hall du Conseil Général à Montauban.     « Les homes qui vien du ciel » (sic), huile sur toile, 58 x 73 cm.
Marcelo Modrego (1912-1997)
Né dans un village de l’Aragon, d’une famille de neuf enfants, il exerce divers métiers. Exilé et interné dans plusieurs camps du sud de la France, il s’installe à Montauban. À la mort de sa femme, il s’est senti « propulsé sur les murs », selon ses propres paroles. Il décore son petit appartement puis compose, d’instinct, des tableaux vivement colorés. 
Première exposition dans le hall de La Dépêche du Midi en 1971, puis il expose à Bordeaux, Toulouse et à la galerie Chave à Vence. Pour le centenaire de sa naissance, les œuvres de Modrego ont été présentées dans le hall du Conseil Général à Montauban.
 
« Les homes qui vien du ciel » (sic), huile sur toile, 58 x 73 cm.
 Abdelkader Rifi (1920-2005)  Très jeune, il travaille comme maçon ; le dessin et la peinture étaient sa préoccupation quotidienne et, au petit jour, avant de partir pour ses dix heures de travail journalier, obéissant à cette nécessité, il se mettait à peindre, composant un monde paradisiaque. Cet artisan maghrébin avait construit, sur un petit lopin de terre, à Gagny dans la banlieue parisienne, une maison dont l’extérieur et l’intérieur étaient décorés à la manière de ses tableaux. Depuis sa retraite, en 1975, il avait coutume de dire : « j’ai des jardins plein la tête ». Ses œuvres sont conservées au LaM (Lille Métropole - Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut). Je lui ai consacré un article dans la revue Création Franche en avril 2014.     Sans titre, huile sur toile, 35 x 55 cm.

Abdelkader Rifi (1920-2005)
Très jeune, il travaille comme maçon ; le dessin et la peinture étaient sa préoccupation quotidienne et, au petit jour, avant de partir pour ses dix heures de travail journalier, obéissant à cette nécessité, il se mettait à peindre, composant un monde paradisiaque. Cet artisan maghrébin avait construit, sur un petit lopin de terre, à Gagny dans la banlieue parisienne, une maison dont l’extérieur et l’intérieur étaient décorés à la manière de ses tableaux. Depuis sa retraite, en 1975, il avait coutume de dire : « j’ai des jardins plein la tête ». Ses œuvres sont conservées au LaM (Lille Métropole - Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut). Je lui ai consacré un article dans la revue Création Franche en avril 2014.
 
Sans titre, huile sur toile, 35 x 55 cm.
Anna Zemánková (1908-1986)  Fille d’un coiffeur, elle naît en Moravie ; elle exerça d’abord un métier de technicienne dentaire. Après son mariage, elle s’installa à Prague en 1948. Traversant une période de grave dépression, elle se réfugia dans la peinture, convaincue de « capter des forces magnétiques échappant à la représentation » : elle inventa des fleurs. À la suite d’une grave maladie, elle fut amputée des deux jambes, mais elle n’arrêta pas de dessiner jusqu’à sa mort.  La galerie Christian Berst à Paris a présenté, en 2013, un hommage à Anna Zemánková sous le titre : « La floraison fertile ».     Fleur imaginaire, encre et aquarelle sur papier, 63 x 87 cm.
Anna Zemánková (1908-1986)
Fille d’un coiffeur, elle naît en Moravie ; elle exerça d’abord un métier de technicienne dentaire. Après son mariage, elle s’installa à Prague en 1948. Traversant une période de grave dépression, elle se réfugia dans la peinture, convaincue de « capter des forces magnétiques échappant à la représentation » : elle inventa des fleurs. À la suite d’une grave maladie, elle fut amputée des deux jambes, mais elle n’arrêta pas de dessiner jusqu’à sa mort.
La galerie Christian Berst à Paris a présenté, en 2013, un hommage à Anna Zemánková sous le titre : « La floraison fertile ».
 
Fleur imaginaire, encre et aquarelle sur papier, 63 x 87 cm.