Éditorial de la Lettre numéro 99 | été-automne 2023

Par Laurent Petitgirard, compositeur et chef d'orchestre, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts

 

 

Élément de vitrail représentant Jean-Sébastien Bach,  dans l’église Saint-Thomas de Leipzig (Allemagne) où il fut « maître de chapelle », de 1723 à sa mort en 1750.
Élément de vitrail représentant Jean-Sébastien Bach, dans l’église Saint-Thomas de Leipzig (Allemagne) où il fut « maître de chapelle », de 1723 à sa mort en 1750.
Stuart Black / Alamy Stock Photo

 

Le sacré, moteur de la création

 

Lorsque l’on étudie l’influence du sacré dans la création, la première référence qui vient à l’esprit est d’ordre religieux. C’est pour cette raison que nous avons sollicité les témoignages d’éminents représentants de grandes religions. Mais ce n’est évidemment pas le seul angle d’étude que nous avons envisagé.

Le créateur, croyant ou non, confronté à un concept qui le dépasse et qui est susceptible de le transcender, va le sacraliser.

En paraphrasant Cioran, on pourrait estimer que si Dieu n’existait pas et qu’il avait simplement été inventé pour inspirer de la musique à Jean-Sébastien Bach, ce serait déjà très bien…

Il est d’ailleurs passionnant de voir la créativité d’artistes parfaitement athées saisis de sujets religieux ou mystiques, à commencer par des architectes à qui l’on confie la construction d’une cathédrale ou d’une simple église.

Le Corbusier, né dans une famille protestante, lui-même parfaitement athée, a conçu trois édifices catholiques : la chapelle Notre-Dame du Haut à Ronchamp, le couvent Sainte-Marie de La Tourette et l’église Saint-Pierre de Firminy. C’est son approche de la lumière qui constituera le lien de ce triptyque, qui dévoile la dimension mystique de la personnalité de ce grand architecte.

Guiseppe Verdi, agnostique voire athée, nous prouve avec son Requiem, l’un des plus beaux de toute l’histoire de la musique, que le génie se nourrit du sacré même s’il n’en partage pas toujours tous les codes.

Pour beaucoup de créateurs le sacré constitue ainsi un questionnement plutôt qu’une réponse, c’est pour cela qu’il est extraordinairement stimulant.