La fondation Bettencourt Schueller un engagement en faveur de l’art vocal français

Entretien avec Olivier Brault, directeur général de la Fondation Bettencourt Schueller.

Nadine Eghels : Pour la Fondation Bettencourt Schueller, quel a été le sens de la création du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral en partenariat avec l’Académie des Beaux-Arts en 1989 ?

Olivier Brault : L’origine première, c’est sans doute l’attachement personnel de Liliane Bettencourt au chant choral, en souvenir de sa mère passionnée de chant. Mais il y a plus : le chant choral est porteur de valeurs que la Fondation partage et promeut : l’épanouissement de la personne qui chante, le développement de la sensibilité artistique individuelle, la coopération au service d’une performance collective, le bienfait social d’une pratique artistique de groupe. Voilà pourquoi notre Fondation est fortement attachée à ce Prix, une de ses premières initiatives après sa création en 1987.

Lorsque le Prix a été créé, en 1989, le paysage du chant choral était encore peu structuré, avec un nombre réduit de chœurs professionnels et une exigence vocale inférieure à celle d’aujourd’hui. La Fondation a naturellement souhaité s’associer à l’Académie des Beaux-Arts, dont André Bettencourt était membre. En raison de son expertise, la section de composition musicale a été choisie pour décerner le Prix. Depuis la première remise de prix, en 1990, ce jury a récompensé vingt-cinq lauréats, illustrant la richesse du secteur.

 

N.E. : Selon quels critères est-il attribué ?

O.B. : Le Prix récompense un chœur professionnel ou une maîtrise d’enfants. Il peut s’agir d’un chœur mixte, d’un chœur à voix égales, à l’exclusion des ensembles de solistes. Afin d’évaluer le chœur, le jury examine notamment les qualités vocales, le projet artistique, le répertoire défendu et la discographie du chœur.

 

N.E. : Le Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral a fêté en 2014 ses 25 ans. Comment a-t-il évolué depuis sa création ?

O.B. : Créé avant le renouveau vocal lié à la redécouverte de la musique baroque, le Prix a accompagné une évolution radicale du chant choral en France. Prix de reconnaissance dans ses premières années, il a récompensé les chœurs professionnels d’exception qui ont contribué à élever le secteur vers son niveau d’exigence vocale et artistique actuel : les Arts Florissants, Accentus ou les Eléments par exemple. Le Prix a également mis en lumière le travail en profondeur de maîtrises, notamment la Maîtrise de Paris ou la Maîtrise Notre-Dame de Paris, et de chœurs de professionnalisation, dont le Jeune Chœur de Paris, qui participent à la formation et à la professionnalisation des chanteurs. Au fur et à mesure du renouvellement du paysage du chant choral, le Prix a enfin récompensé des chœurs plus jeunes mais tout aussi talentueux, comme l’Ensemble Aedes, les Cris de Paris ou le Chœur Pygmalion.

Alors que le secteur du chant choral s’est considérablement étoffé et structuré, le Prix est aujourd’hui reconnu dans le milieu comme un label d’excellence, de l’appréciation même des lauréats. Seule récompense de cette importance spécifiquement dédiée au chant choral, le Prix encourage l’émergence d’une nouvelle génération de chœurs professionnels. Vingt-cinq ans après la création du Prix, la Fondation est fière d’avoir pu contribuer au rayonnement de cette discipline artistique unique et mettre en valeur des chœurs de grande qualité, qu’ils soient connus ou non.

 

N.E. : Comment percevez-vous l’évolution de la pratique du chant choral en France ?

O.B. : La pratique du chant choral en France connaît une vitalité indéniable mais très contrastée. Le secteur est confronté à de nombreux défis : visibilité, reconnaissance et renouvellement des publics, mais aussi menaces sur les équilibres économiques en raison de la baisse des soutiens publics, en particulier de certaines collectivités territoriales.

À ces défis s’ajoute la nécessité de mieux articuler chant choral amateur de bon niveau et pratique professionnelle, pour construire un véritable paysage choral en France, riche de niveaux divers et reliés les uns aux autres. En effet, la distinction entre les chorales, ensembles amateurs et les chœurs professionnels est toujours pertinente.

Les chœurs professionnels non permanents reposent sur le réseau désormais assez dense des maîtrises et des conservatoires, qui dispensent des formations de qualité. Ces vingt-cinq dernières années, de nombreux ensembles ont été créés, d’une exigence artistique accrue. Ces chœurs, indépendants et à géométrie variable, sont libres de leur ligne artistique, souvent assez audacieux, mais également plus fragiles sur le plan financier. L’exigence de leurs créateurs a favorisé une élévation du niveau des chœurs, notamment dans la pratique de la musique ancienne. Ce sont ces chœurs et maîtrises que le Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral a mis en lumière depuis 1989. Ces chœurs professionnels doivent faire face aux problématiques posées par la formation et l’insertion professionnelle des chanteurs, leur structuration professionnelle ou encore le financement de leur activité.

 

N.E. : Quelles perspectives d’évolution envisagez-vous pour ce Prix, au seuil d’un nouvel engagement entre la Fondation Bettencourt Schueller et l’Académie en faveur du chant choral ?

O.B. : Vingt-cinq ans après la création du Prix, la Fondation a décidé d’amplifier son engagement pour le développement et la promotion de l’art vocal français, afin d’affirmer plus encore son adhésion aux valeurs portées par le chant choral et de soutenir les initiatives dynamiques de musiciens de grand talent. Pour ce faire, la Fondation a réfléchi au sens de son action dans un secteur en profonde évolution, afin de répondre au mieux à ses besoins. Elle souhaite développer une politique de dons structurée autour d’axes spécifiques (notamment la formation, la structuration professionnelle des chœurs ou la sensibilisation) et amplifier le Prix.

Depuis la création du Prix, la Fondation a acquis une expertise reconnue dans le domaine du chant choral mais également dans l’organisation de prix culturels, au premier rang desquels le Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main. Cette expertise doit maintenant être mise à profit dans l’organisation du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral. Afin que le Prix soit davantage reconnu et compris, les critères doivent être mieux formulés, l’appel à candidatures public diffusé largement et la procédure d’évaluation des candidatures encore renforcée. Au-delà de l’organisation du Prix, la Fondation souhaite surtout amplifier la dotation et proposer aux lauréats une démarche d’accompagnement dans la mise en œuvre d’un projet de développement. 

www.fondationbs.org

Geoffroy Jourdain dirige l'ensemble Les Cris de Paris, lauréat du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 2013. © CAPA Pictures pour la Fondation Bettencourt Schueller
Geoffroy Jourdain dirige l'ensemble Les Cris de Paris, lauréat du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 2013.
© CAPA Pictures pour la Fondation Bettencourt Schueller
La Maîtrise de Paris, lauréate du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 1999. © CAPA Pictures pour la Fondation Bettencourt Schueller
La Maîtrise de Paris, lauréate du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 1999.
© CAPA Pictures pour la Fondation Bettencourt Schueller