La lumière au théâtre

Par Geneviève Soubirou, créatrice lumière au théâtre.

Une lumière au théâtre ne peut se contenter d’être seulement esthétique, elle doit se mettre au service d’une pièce, en harmonie avec la direction donnée par la mise en scène. Elle se doit de la servir et participe à l’expression dramatique. Le plus difficile est de trouver la lumière juste, celle qui sert à la fois le texte, la direction qu’a choisie le metteur en scène et le but qu’il veut atteindre en montrant sa pièce.

Elle doit prendre en compte le décor, autre élément essentiel, car elle en est le complément. Elle peut le transformer et elle peut le remplacer s’il n’y en a pas. Elle peut servir également à délimiter l’espace, à concentrer, à élargir... Elle joue un rôle pour attirer le regard, elle peut agir comme un zoom en soutenant un objet par exemple, ou un point précis.

Elle peut aussi, dans certains cas, servir à détourner l’attention du spectateur, et un changement de lumière volontairement visible doit signifier quelque chose pour le public. Il doit en comprendre le sens. Par exemple pour marquer un changement de lieu, ou un espace temps puisque c’est elle en premier qui situe le moment de la journée où se passe l’action : le lever du jour, la fraîcheur du matin, le soleil de midi, la fin du jour, la nuit etc. Le choix de ce moment est parfois indiqué par le texte, sinon il faut en imaginer un. Une décision importante que doit prendre le concepteur de la lumière.

La priorité reste le message que l’on veut faire passer.

S’il y a un superbe rayon de soleil qui arrive par une fenêtre, quelle que soit sa splendeur, ce n’est pas une raison pour que les acteurs à l’intérieur de la pièce jouent dans la pénombre. Le regard du public sera captivé par le rayon de soleil et se détournera inconsciemment de ce qui se passe à l’intérieur. Il faut trouver l’équilibre... à moins que le sujet ne soit le soleil !

La mode a évolué et le public aussi, mais si on a parfois tendance à sous-éclairer ou sur-éclairer pour faire seulement une belle image, cela peut desservir la pièce et il vaut mieux y renoncer. Tout dépend également de la durée de l’image en question, et aussi de quel style de théâtre, donc du texte. Pour moi qui aime écouter les textes, je préfère voir l'acteur, ou sentir son regard. Et n’oublions pas, toujours valable, la vieille méthode : « Si on ne voit pas, on n’entend pas »... Tout est lié.

Il ne s’agit pas de se servir de la lumière comme d’un jouet moderne sous prétexte que l’on possède des technologies très sophistiquées qui, à ce jour, sont à notre disposition, mais d’apporter avec ces nouvelles technologies très diverses un complément au service d’un art, que ce soit le théâtre, la danse ou l’opéra.

On ne peut donc pas se limiter à faire de belles images, mais le but est d’atteindre le public qui sera différent chaque soir.

L’essentiel est de rester en accord avec la situation dramatique. Et si, en plus, l’image est belle, quel bonheur !

La lumière, elle aussi, est un langage, elle est liée au texte et au décor et elle doit raconter la même histoire.

Stanislas Siwiorek dans « La Machine de l'homme », mise en scène de Stanislas Roquette sur des textes de Molière et de Jean Vilar, 2015. Photo Emile Zeizig
Stanislas Siwiorek dans « La Machine de l'homme », mise en scène de Stanislas Roquette sur des textes de Molière et de Jean Vilar, 2015.
Photo Emile Zeizig