Soutien à la création | Le Prix de gravure Mario Avati - Académie des beaux-arts

Par Érik Desmazières, membre de la section de Gravure

En 2013, la gravure s’est enrichie d’un nouveau prix, grâce à Mario Avati et à son épouse Helen. Porté par la section de Gravure de l’Académie, il offre une nouvelle visibilité à la gravure contemporaine.

 

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Netherland, Central Park et le Pierre, 2017, 37,5 x 55,2 cm, lithographie de Jean-Baptiste Sécheret, premier lauréat, en 2013, du Prix de Gravure Mario Avati - Académie des beaux-arts.

 

Mario Avati était un artiste étrange... Né en 1921 dans la Principauté de Monaco, il étudie d’abord à l’École des Arts décoratifs de Nice avant de venir à l’École des Beaux-arts de Paris. C’est à partir du milieu des années cinquante qu’il se consacre exclusivement à la technique très spécifique de la « manière noire » (mezzotint en anglais). Ce qui est étrange, c’est la régularité avec laquelle il travaillait et produisait. Une régularité à l’image de sa vie réglée avec, quand je l’ai connu au début des années quatre-vingt, la production immuable d’une gravure par mois. Il connut un succès international, notamment en Italie, au Japon, aux États-Unis. Mario était marié avec Helen Stern, brillante journaliste économique américaine.

Après la disparition de Mario, en 2009, Helen me fit part de son désir de créer un Prix destiné à un artiste-graveur ayant une carrière remarquable, et de placer ce Prix sous l’égide de l’Académie des beaux-arts. Il fut alors décidé que l’obtention du prix donnerait lieu à une exposition. Il faut ici rappeler le rôle qu’a joué Michel Euvrard, exécuteur testamentaire d’Helen et Mario Avati, dans la mise en place du Prix.

Helen Avati nous laissa toute latitude pour élaborer le règlement du Prix, posant pour seule condition qu’il soit d’envergure internationale, et par la composition du jury et, naturellement, par l’ouverture aux artistes de toutes nationalités.

 

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Portrait du graveur Mario Avati. Photo DR

 

Le premier prix fut décerné en 2013 au peintre et graveur Jean-Baptiste Sécheret. Né en 1957, diplômé des Beaux-arts de Paris, ancien élève de l’atelier de Pierre Carron, Jean-Baptiste Sécheret est d’abord un peintre, mais il pratique aussi l’art de l’estampe sous toutes ses formes. Remarquable lithographe, il ne recule pas devant les grands formats. Sa thématique figurative s’inspire de ses séjours sur la côte normande mais aussi de ses voyages en Italie, en Espagne, aux États-Unis.

En 2014 ce fut l’artiste allemande Christiane Baumgartner qui reçut le prix. Née à Leipzig en 1967, diplômée de la Hochschule für Graphik und Buchkunst de sa ville natale, Christiane Baumgartner pratique principalement la gravure sur bois imprimée au « baren – » la technique d’impression utilisée par les xylographes japonais – souvent sur de très beaux papiers minces orientaux. Ses estampes, parfois de dimensions monumentales, traitent de sujets apparemment banals, ciel, mer, forêt... ou tirés de la vie moderne, vues d’autoroutes, d’immeubles. Une de ses œuvres les plus emblématiques représente un aéroport militaire avec des avions Transall, sujet original pour la gravure, on en conviendra...

En 2015 la lauréate fut une artiste de nationalité américaine mais résidant depuis longtemps à Paris, Devorah Boxer, née en 1935 à Troy aux États-Unis. L’univers très noir et blanc de Devorah Boxer est peuplé d’objets insolites collectionnés par l’artiste, hérisson, tube, burette, brosse, goupillon, poinçon, étau, auxquels ses estampes, eaux-fortes, pointes-sèches, aquatintes, mais aussi gravures sur bois, confèrent noblesse et grandeur.

En 2016 la lauréate du prix est Agathe May, née en 1956, diplômée des l’École des Arts décoratifs de Paris et ancienne pensionnaire de la Villa Medicis. Agathe May réalise des gravures sur bois de grandes dimensions, dont les tirages sont à chaque fois une expérience nouvelle, rendus uniques par une recherche chromatique à chaque fois renouvelée. Plutôt que de monotypes, il conviendrait de parler de gravures « monotypées » puisqu’il existe bien une matrice commune à la déclinaison des exemplaires.

En 2017 le prix est attribué à Wendelien Schönfeld, artiste néerlandaise née en 1950, qui, elle aussi, pratique la gravure sur bois en couleurs mais en multipliant le nombre des matrices avec une grande précision dans la superposition des tons. Elle aime à représenter le monde qui l’entoure dans toute sa diversité, portraits de proches, vues de villes, intérieurs d’ateliers, paysages dans des formats intimistes en résonnance avec sa palette pleine de douceurs et de nuances.

 

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Winters Light, Hunters Point, 2018, 198 x 86.5 cm, lithographie, par Jenny Robinson, lauréate de l'édition 2019.

 

Les prix de 2018 et 2019 ont été respectivement décernés au Tchèque Jan Vicar et à la Britannique Jenny Robinson. Le premier, né en 1967, peintre de formation, s’est consacré ensuite à la gravure, réalisant des estampes sur linoléum de très grand format dont il retravaille et rehausse les tirages très souvent imprimés à un seul exemplaire. Son monde onirique et fantasmagorique n’est pas sans rappeler le primitivisme de Gauguin. La seconde, Jenny Robinson, est née au Royaume-Uni également en 1967 et a longtemps habité et travaillé à San Francisco. C’est elle aussi une habituée des grands formats, lithographies, pointes-sèches imprimées sur de beaux papiers orientaux. Son univers très graphique est habité de structures architecturales imaginaires, et grandioses.

On le voit, au terme de cette septième édition, le Prix Avati a pleinement rempli son rôle en ayant récompensé cinq artistes étrangers sur les sept lauréats, en général peu connus ici et qui ont été, grâce à ce Prix, découverts par le public français.

Nous sommes heureux, également, de constater une belle représentation de toutes les techniques, lithographie, xylographie, linogravure, eau-forte, pointe sèche ...

Par la prédominance de la monumentalité des formats, le Prix reflète la tendance actuelle dans l’estampe contemporaine. Deux lauréates, Christiane Baumgartner et Agathe May, étaient d'ailleurs présentes dans l’exposition « La gravure XXL » qui s’est tenue au Musée des Beaux-arts de Caen pendant l’été 2019.

Outre les membres de la section de Gravure de l’Académie, figurent dans le jury des conservateurs du département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France : Maxime Préaud et Cécile Pocheau-Lestevin ; des personnalités étrangères, Juan-Manuel Bonett, grand connaisseur de l’estampe, qui fut directeur de l’Institut Cervantes de Paris, Catherine de Braekeeler, directrice du Centre de l’image imprimée de la Louvière en Belgique, Christian Rümelin, conservateur du Cabinet d’arts graphiques du musée d’Art et d’histoire de Genève, Stephen Coppel, conservateur en charge des estampes contemporaines au British Museum et Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia à Paris.

Le jury se réunit chaque automne. Après une présélection sur dossier, il finalise son choix, œuvres originales en mains. Cette année 2019, le jury a reçu une centaine de candidatures et retenu une vingtaine de dossiers.

Rappelons, enfin, la très importante donation faite par la famille Avati à la Bibliothèque de l’Institut de la quasi-totalité de l’œuvre gravé de l’artiste et saluons l’entrée toute récente dans la collection de plus de vingt estampes données par le premier lauréat du prix, Jean-Baptiste Sécheret.