Sport et sculpture moderne

Par Lydia Harambourg, correspondant de l’Académie des Beaux-Arts

Au XXe siècle, la célébration du corps de l’athlète s’est déplacée. Louis Leygue (1905-1992) appartient à une génération de sculpteurs qui, avec Robert Couturier, Alberto Giacometti, Germaine Richier, Ossip Zadkine, a bénéficié des conquêtes plastiques pour des langages différents mais unitaires après la mort de Rodin. En regard de Wlérick, de Despiau, Leygue propose sa vision de la sculpture. Son adhésion au réalisme en fait un interprète éloquent et non un imitateur servile. En 1930, il se présente au concours du Prix de Rome. À la suite de l’Héraclès de Bourdelle, il présente un Tireur à l’arc, puissant, d’une noblesse épurée, immobilisé dans l’action du lancer. Il n’obtiendra le Grand Prix que l’année suivante. À Rome en 1932, à la Villa Medicis, il réalisera un petit bas-relief en bronze, Les cyclistes. C’est pendant la guerre, rentré des camps, malade, qu’il reprend par le dessin ses activités. Sa passion pour le cheval renaît en se rendant dans les écuries de la Garde Républicaine et au Club de polo du Bois de Boulogne. La thématique du cheval entre dans son œuvre. Il va lui consacrer de nombreuses études (modelées et dessinées) en vue de sculptures qui renouvellent le sujet à travers une sculpture en constante mutation. L’évolution stylistique se mesure avec le Lad à l’entraînement (1957), en ronde bosse classique, à laquelle succède le découpage de la musculature dans le vide de Jockey à l’entrainement (1973). Son œuvre visionnaire et sensible ne cesse de capter la vie trépidante, de saisir le mouvement, la vitesse, la puissance domptée du cheval par le cavalier. Le sujet est infini et le sculpteur le décline avec le joueur de polo, le driver, le cavalier au trot, au galop. Un bronze unique à la cire perdue datée de 1974, Le trotteur à six pattes, témoigne de la justesse et de l’acuité du regard, de l’apparente facilité du trait découpé, réfléchi dans une apparente désinvolture. Louis Leygue a été élu en 1969 à l’Académie des Beaux-Arts.

 

Les Footballeurs de Niki de Saint-Phalle (1993)

C’est encore cette conviction envers le pouvoir unificateur du sport, capable d’apaiser les tensions et les différences de provenances et de croyances entre toutes personnes, qui amène l’artiste à réaliser cette première commande officielle pour la Suisse. Réalisés en fibre de verre et résine époxy, deux joueurs grandeur nature s’affrontent. Un blanc à terre (chair rose) et le Black callipyge qui poursuit le ballon. Pour étudier les passes, l’artiste, devenue célèbre avec ses Nanas, a regardé de nombreux matchs pour capter la beauté du geste et l’énergie déployée qu’elle transpose par les couleurs pures et violemment contrastées d’une palette ludique et dynamique. À l’unisson de la tension vécue par les joueurs. 

Louis Leygue (1905-1992), « Le jockey au départ », bronze, 37 x 56 cm (hxl). Musée de Vendôme.
Louis Leygue (1905-1992), « Le jockey au départ », bronze, 37 x 56 cm (hxl).
Musée de Vendôme.
Niki de Saint-Phalle (1930-2002), « Les Footballeurs », 1993, fibre de verre et peinture polyuréthane. Musée olympique de Lausanne.
Niki de Saint-Phalle (1930-2002), « Les Footballeurs », 1993, fibre de verre et peinture polyuréthane.
Musée olympique de Lausanne.