Une courtoisie faite au patrimoine

Entretien avec l'architecte Rudy Ricciotti.

Nadine Eghels : Votre pratique d’architecte se partage entre conception de bâtiments nouveaux et création dans des bâtiments ou sur des sites anciens. Comment votre travail se répartit-il entre ces deux pôles ?

Rudy Ricciotti : D’abord des constructions neuves, mais j’ai réalisé la restructuration des Grands Moulins à Paris transformés en Université Paris Diderot sur 35 000 m2. Ce fut une opération à coût réduit (950 euros par m2), très instructive sur la doctrine de conservation-requalification et ses conséquences économiques.

 

N. E. : L’utilisation de matériaux nouveaux est une des lignes de force de votre travail. Est-elle la même dans des bâtiments anciens et des constructions nouvelles ?

R. R. : Non, je n’ai jamais eu l’occasion, ni perçu la pertinence d’utiliser des bétons fibrés haute performance en réhabilitation. En effet, les sollicitations mécaniques restent modestes dans l’ancien car les portées le sont aussi. Mais sur les sujets d’ouvrage béton de couverture, la technologie du BFUP peut être adaptée. En effet, l’empilement granulaire faible en porosité autorise à penser le béton comme imperméable.

 

N. E. : Quand faut-il poursuivre, reprendre des techniques et des matériaux anciens, quand faut-il les changer radicalement ?

R. R. : Je n’ai pas de point de vue arrêté sur ce sujet. Mais de façon générale il n’y a pas opposition entre conservation et création. Sur l’ancien la lisibilité des interventions peut être effacée par l’emploi de pierres ou d’enduits à la chaux. Cependant, le contraste peut aussi être un dateur de lecture comme le faisait Viollet-le-Duc. L’intervention contemporaine, dès l’instant où elle s’adresse à la culture du travail et de l’effort, peut être une courtoisie faite au patrimoine.

 

N. E. : Pour le Département des Arts de l’Islam au Musée du Louvre, quels matériaux avez-vous utilisés en particulier ?

R. R. : Toutes les infrastructures ont été réalisées par la technique du jet grouting, puis augmentées de parois moulées, puis de parois banchées en béton noir brut de finition sans trous de banches apparents. La couverture est une triangulation métallique fermée en intrados de nid d’abeille laissant passer la lumière sans permettre la vue sur la charpente. En extrados, des volumes verriers ferment la toiture. Dessous et dessus une double maille compressée de fines résilles d’aluminium fait protection solaire dessus et diffusion dessous. 

www.rudyricciotti.com

Ondulation de la couverture dorée du Département des Arts de l’Islam, dans la Cour Visconti du Musée du Louvre. Rudy Ricciotti, architecte. Photo Lisa Ricciotti
Ondulation de la couverture dorée du Département des Arts de l’Islam, dans la Cour Visconti du Musée du Louvre.
Rudy Ricciotti, architecte. Photo Lisa Ricciotti