“Je ne me considère pas comme un photographe de paysage...”

Par Yann Arthus-Bertrand, membre de la section de Photographie. Propos recueillis par Bernard Perrine, correspondant de l'Académie des Beaux-Arts.

« Le Cœur de Voh, photographie prise par Yann Arthus-Bertrand en 1990, sur les recommandations de son pilote, est devenue emblématique pour la photographie et pour le photographe.

Cette petite clairière du marais de la mangrove en Nouvelle Calédonie, sans attrait particulier, mais ciselée par la lumière solaire, est devenue le paysage le plus connu du monde.

Mais pour le photographe, le projet « La terre vue du ciel » devait avoir une autre portée, celle de réaliser un véritable état des lieux de la planète à l'orée du xxie siècle.

« L’an 2000 arrivait et je voulais m’atteler à un grand projet, de longue haleine. Depuis les lions, la nature restait au centre de mes préoccupations, j’étais moins engagé dans le développement durable qu’aujourd’hui, mais plus dans la protection et la préservation des beaux sites. Et je me suis rendu compte sur le terrain qu’on ne pouvait, en fait, pas dissocier l’homme de son paysage. J’ai acquis peu à peu la conviction que l’adhésion aux thèses du développement durable était l’axe de développement raisonné à défendre. »

En effet, que peut représenter la notion académique de paysage pour quelqu'un, de surcroît photographe, qui a arpenté les vastes espaces de Mongolie ou qui a vécu et étudié la vie de Sapience, Aurore ou Jouvence, les fières lionnes de la réserve du Masaî Mara au Kenya ?

Ici, le paysage devient territoire, surtout quand il est observé depuis une montgolfière. Un survol merveilleux qui préludera au destin et à la découverte d'un autre territoire plus immense : la terre.

Il mène à voir le monde d'une manière différente, dès les années 80, dans des temps où Google n'existait pas encore.

Contrairement à Google qui gomme volontairement toute trace humaine, vu du ciel, « je me suis rendu compte que l'homme fait partie intégrante du paysage. Je n'ai pas de vision du paysage car, pour moi, le paysage c'est la vie qui m'entoure. Je comprends ce que renferme la notion de paysage mais je ne suis pas un contemplatif. Je comprends le peintre qui peut rester longtemps sur le motif, mais la photographie va trop vite, elle ne nécessite pas de rester longtemps à la même place. Je ne me considère pas comme un photographe de paysage au sens que l'on donne à ce terme. Pour moi, la terre est comme un portrait de ce que j'aime, et je suis attaché à la terre dont je fais partie. Par contre, je choisis « le vivre » autour de moi, car la laideur est partout et elle nous agresse ».

www.yannarthusbertrand.org

Yann Arthus-Bertrand, Cœur de Voh, 1990, Nouvelle-Calédonie, France (20°56'S - 164°39'E)
Yann Arthus-Bertrand, Cœur de Voh, 1990,
Nouvelle-Calédonie, France (20°56'S - 164°39'E)