La fondation Jean et Simone Lurçat : un patrimoine du XXe siècle sauvegardé

Par Arnaud d'Hauterives, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts.

La Fondation Jean et Simone Lurçat est née de la volonté de la veuve de l’artiste et du legs qu’elle a fait à l’Académie des Beaux-Arts. Hors les donations faites à divers musées (Aubusson, Saint-Céré et Angers en sont les points cardinaux), Simone Lurçat a souhaité qu’un lieu à Paris rappelle la présence de ce grand artiste, membre de l’Institut - peu de temps puisqu’élu au sein de notre compagnie en 1964 -, il disparut en janvier 1966.

La donation comprend la maison de l’artiste, architecture édifiée par son frère l’architecte moderniste André Lurçat, qui construisit la plus grande partie de l’impasse de la Villa Seurat. Cette maison est inscrite au titre des monuments historiques depuis 2015. Entièrement meublée et dans son décor d’origine, elle abrite le fonds d’archives et les collections de l’artiste, peintures, tapisseries, céramiques, livres illustrés et un fonds de dessins inédits qui compte près de 1400 numéros et s’étend sur toute sa carrière.

La détermination de l’Académie des Beaux-Arts a abouti à la création de la fondation, entérinée par un décret du Conseil d’État du 20 novembre 2010. Ainsi, l’Académie des Beaux-Arts a permis de sauvegarder un patrimoine du xxe siècle. Jean Lurçat s’est passionnément inscrit dans son temps. Il a vécu et pensé dans toutes ses dimensions un monde en mutation rapide, avec souvent pénétration et toujours courage et générosité.

C’est pourquoi son œuvre est riche de différentes facettes et si le créateur de tapisserie est peut-être le mieux connu, il est aussi peintre, céramiste, poète et met sa plume au service des causes qu’il soutient. Cette ouverture d’esprit est sûrement le gage de l’utilité de la fondation pour les temps qui viennent. C’est une époque qui vit, avec Lurçat, un laboratoire de modernité et d’humanisme.

La fondation s’attachera à mieux faire connaître et diffuser l’œuvre de l’artiste, à accueillir les chercheurs en liaison avec les autres lieux qu’il a marqués de son empreinte. Dans les possibilités que permet son exiguïté, la maison sera ouverte au public et la fondation renouera des contacts internationaux, Lurçat en connaissait la valeur dans un monde où l’homme est voué à établir la concorde sous peine de disparaître.

Dans cette mission de diffusion, la fondation s’appuie sur le droit moral et patrimonial que Simone Lurçat a légué à l’Académie des Beaux-Arts sur l’ensemble de l’œuvre de Jean Lurçat et il lui revient d’ouvrir différents chantiers : en premier lieu, et c’est en cours, les travaux de réhabilitation de la maison qui permettent de retrouver un état sanitaire (étanchéité de la toiture et de la terrasse) et d’envisager de rétablir quelques dispositions intérieures des années de construction. Il conviendra aussi d’aménager des réserves pour conserver les œuvres et les collections. Ces travaux, dont une première tranche est lancée, nécessitent un appel à la générosité de donateurs et une souscription est en cours sous l’égide de la Fondation du Patrimoine. Dans un autre domaine, une importante opération de classement des archives de l’artiste se poursuit et ouvrira pour les années à venir de nouvelles pistes de travail aux chercheurs. Le magnifique univers tissé que Lurçat nous a laissé attend encore son catalogue raisonné et la fondation l’entreprend.

Riche de projets et d’avenir, la fondation a suscité, en cette année  de commémoration nationale, une exposition, organisée en partenariat avec le Mobilier national à la galerie des Gobelins, jusqu’au 18 septembre, magnifiquement mise en scène par notre confrère Jean-Michel Wilmotte. Sous l'égide de la fondation, viennent de paraître la correspondance et les écrits de guerre de l’artiste (voir page 38), qui viennent éclairer un moment crucial de son existence. 

www.fondation-jean-et-simone-lurcat.fr

Jean Lurçat dans son atelier, Villa Seurat, en 1928, devant « Le Charmeur de serpents », et, derrière lui, « Smyrne ». Photo DR
Jean Lurçat dans son atelier, Villa Seurat, en 1928, devant « Le Charmeur de serpents », et, derrière lui, « Smyrne ».
Photo DR
Jean Lurçat, « Le Charmeur de serpents », 1928, huile sur toile, 186 x 94 cm. © Fondation Jean et Simone Lurçat - Académie des Beaux-Arts
Jean Lurçat, « Le Charmeur de serpents », 1928, huile sur toile, 186 x 94 cm.
© Fondation Jean et Simone Lurçat - Académie des Beaux-Arts
Jean Lurçat, « Tropiques », tapisserie, 1956, atelier Picaud, Aubusson, 320 x 675 cm. © Fondation Jean et Simone Lurçat - Académie des Beaux-Arts
Jean Lurçat, « Tropiques », tapisserie, 1956, atelier Picaud, Aubusson, 320 x 675 cm.
© Fondation Jean et Simone Lurçat - Académie des Beaux-Arts