Les défis d’Angelin Preljocaj

Par Dominique Frétard, correspondante de la section de Chorégraphie

 

Gravité, chorégraphie d’Angelin Preljocaj, musiques de Maurice Ravel, Johann Sebastian Bach, Iannis Xenakis, Dimitri Chostakovitch, Daft Punk, Philip Glass, 79D. Créé en 2018 dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon.  Photo Jean-Claude Carbonne
Gravité, chorégraphie d’Angelin Preljocaj, musiques de Maurice Ravel, Johann Sebastian Bach, Iannis Xenakis, Dimitri Chostakovitch, Daft Punk, Philip Glass, 79D. Créé en 2018 dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon. Photo Jean-Claude Carbonne

 

« Angelin Preljocaj ou la certitude d’un éblouissement. Non pas que sa danse soit simple, elle est très complexe, très élaborée, avec des fulgurances d’instabilité, mais elle coule comme qui dirait de source. Et la source, c’est lui, Angelin Preljocaj en personne. Il incarne le danseur-né. Dès le réveil,  il est traversé par cette urgence à bouger, cette musique du corps d’où surgit un flux continu d’idées, ainsi qu’il l’explique dans Danser l’invisible, un film de Florence Platarets, diffusé en 2019, qui suit le chorégraphe tout au long de la création de Gravité.

Danser le poids des corps, donc de leur légèreté. Chercher à montrer la danse mais tout autant l’espace qu’elle crée et bouleverse en permanence. Cette physique des corps, une de ses obsessions, le chorégraphe la compare souvent à la physique quantique, celle de la matière noire, du tournoiement des galaxies et des étoiles, mais à l’échelle humaine. À l’échelle de son art. Gravitation du corps, gravitation des pensées, indémêlables.

En même temps qu’il créait Gravité, Angelin Preljocaj travaillait avec des détenues de la prison marseillaise des Baumettes, mais cette fois-ci sur le poids du corps enfermé qui tente de s’ouvrir à travers le mouvement. Là encore un film retrace cette expérience. Il s’agit de Danser sa peine, réalisé par Valérie Müller, Grand Prix du Fipadoc en mars 2020.

Pour la rentrée 2020, Angelin Preljocaj se risquera à donner sa propre version du Lac des cygnes, apothéose du ballet classique signée en 1894 par Marius Petipa et Lev Ivanov. La partition de Tchaïkovski doit enflammer le mélomane Preljocaj. Le défi comme moteur, c’est ce qu’il a toujours défendu.

Voilà l’actualité du chorégraphe qui créait en 1985 sa compagnie, avant d’être accueilli en 1996 à Aix-en-Provence, ville où il est désormais le maître du Pavillon Noir, bâtiment taillé sur mesure par Rudy Ricciotti comme une cage brutaliste, bardée de larges croisillons en béton. Elle témoigne de la violence que l’architecte a ressentie en découvrant la danse du Ballet Preljocaj. Une cage néanmoins largement ouverte sur l’extérieur et la ville, qui permet d’observer les danseurs dans leur entraînement quotidien. Pavillon Noir, un nom qu’il a voulu comme un cri de ralliement et une reconnaissance. Qui salue l’exploit unique en France pour un artiste de la danse d’obtenir un tel lieu, un tel théâtre. Loin des courants et des modes, Angelin Preljocaj a toujours su ce qu’il voulait.

En France, comme à l’étranger, il a reçu toutes les récompenses, toutes les distinctions. Le 24 avril 2019, il a été élu membre de l’Académie des beaux-arts au sein de la nouvelle section de Chorégraphie. »