Patrimoine de l'Institut | L’auditorium de l’Institut de France : entre tradition et invention

Par Marc Barani, membre de la section d’Architecture

« L ‘architecture est la science des correspondances subtiles ». Cette définition héritée de la tradition hindoue pourrait servir de fil conducteur pour saisir l’exceptionnelle qualité du Palais de l’Institut et conduire son évolution.

 

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L'auditorium André et Liliane Bettencourt. Photo Atelier Barani

 

La très grande habileté du plan qui se déhanche pour ouvrir en symétrie l’édifice à la Seine, la précision des tracés harmoniques, la beauté des matériaux, le traitement des façades qui varient de l’apparat vers la rigueur en fond de la parcelle, entrent en résonances avec les activités des académiciens, pour sceller un accord vivant entre l’Institut de France, le Palais et son implantation dans la cité.

L’épaisseur historique du site induit un deuxième point d’appui pour concevoir le projet : voir le site comme un palimpseste.

Les cycles successifs de destructions/constructions ont imprimé dans le lieu des lignes de forces qui conservent la trace de chaque intervention.

C’est particulièrement vrai pour la parcelle de l’An IV où subsistent, avec la valeur d’éléments structurants, le tracé de l’enceinte de Philippe Auguste, l’emprise du « jardin du directeur » et les « nouveaux ateliers ».

Ces éléments entremêlés, une fois mis en relation avec la cour 3 et les édifices qui la cernent, dressent les grands axes du projet.

La parcelle est dégagée de toute emprise au sol au droit de la cour, pour retrouver la pleine largeur du jardin qui s’y trouvait.

La cour peut alors se dilater jusqu’au mur de l’enceinte de Philippe Auguste, redonner sens à la véritable colonne vertébrale du site pour proposer un vide, une amplification du sol à l’échelle de l’équipement prestigieux qu’elle accueille. La halle conservée devient alors un filtre qui, sans limiter la nouvelle ampleur visuelle de la cour, restitue sa limite séculaire.

Le travail de tri et de superposition des strates signifiantes peut continuer avec les bureaux et les salles de réunion adossées au pignon de l’Hôtel de la Monnaie et suspendues au-dessus du foyer. L’auditorium se place en fond de parcelle à partir de l’alignement du bâtiment des Longitudes qu’il prolonge exactement par un pan de pierre dans le foyer.

 

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Construit sur la « parcelle de l'An IV », un terrain de près de 1500 mètres carrés situé le long du mur de Philippe Auguste et à l’emplacement de l’ancien fossé de Charles V, l'auditorium André et Liliane Bettencourt est constitué d'une salle de 350 places et d'annexes (foyer, salles de réunions, bureaux et espaces logistiques). L’Institut de France et les cinq Académies disposent ainsi enfin d’un espace indispensable à leur rayonnement, accueillant le public et répondant aux exigences de rencontres de dimension internationale. Photos Serge Demailly, Ben Dauchez/H&K

 

Les trois entités halle, bureaux, auditorium restent distinctes, à la fois séparées et liées par des failles de lumière qui dessinent leur pourtour. L’ambiance lumineuse douce et agréable accentue encore l’effet de légèreté des volumes au-dessus du sol, ici en forme de socle massif.

L’auditorium, quant à lui, devra installer un jeu de correspondances avec la Coupole et la grande Salle des séances pour tenir son rang de troisième lieu fort et symbolique de la vie du Palais.

À la fois lieu de représentation et lieu de travail, il emprunte la pierre à la Coupole et le bois à la grande Salle des séances.

La pierre en soubassement évoque aussi l’excavation de la parcelle, alors que le bois, qui se développe en structure alvéolaire sur les parois, se retourne à l’horizontale en forme de plafond à caisson traversé par la lumière naturelle.

Le remplissage en panneaux adaptés à l’acoustique de la salle offre une version contemporaine et performante à ce type de plafond que l’on retrouve ailleurs dans l’Institut.

Ces grandes lignes de la conception pour dire que le projet propose, in fine, comme principe fondateur de s’immiscer dans le faisceau complexe des interrelations qui lient les éléments constituant le Palais, d’en évaluer la valeur historique et de révéler les plus structurants d’entre eux pour faire entrer en résonances le nouvel aménagement avec la tradition de l’Institut et son avenir.

 

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Le Secrétaire perpétuel Laurent Petitgirard et Marc Barani, lors de l'inauguration. 
Photo Ben Dauchez/H&K