La Maison Pierre Frey

Rencontre avec Patrick Frey, actuel directeur de la maison Pierre Frey, éditeur de tissus dessinés par Jean Lurçat.

Nadine Eghels : La maison Pierre Frey a été créée en 1935, nous en sommes à la troisième génération. Quand avez-vous commencé à travailler avec des artistes pour vos collections de tissus et de papiers peints ?

Patrick Frey : Dès l’origine ! Tout de suite mon père a fait appel à des artistes pour aller chercher à l’extérieur une créativité différente de celle qui s’exprime dans nos propres collections ; néanmoins ces collections artistiques restent minoritaires au sein des collections de la maison. Ainsi, Pierre Frey ne perd pas son âme mais l’enrichit quand il fait appel à un artiste extérieur.

 

N.E. : Comment s’effectue les choix de ces artistes ?

P.F. : Cela dépend des circonstances, ce peut être à la faveur d’une exposition où cet artiste est mis en lumière. Il y a deux ans nous avons fait appel à Toxique, un artiste de street art qui appartient à la trilogie historique avec Basquiat et Warhol. Cet artiste n’était au départ pas intéressé par le textile mais il a été convaincu et nous avons lancé un tissu et un papier peint, très actuels, à base de tags. Notre mot d’ordre est l’éclectisme : je ne veux pas que la maison Pierre Frey soit limitée à un style, axée sur le XVIIIe ou sur l’art déco. Ainsi, nous partons tantôt de dessins d’enfants, tantôt de périodes de l’art classique européen, nous avons même lancé une collection à partir de peintures aborigènes. Il y a eu aussi une collection napoléon III, et une autre basée sur l’indigo !

 

N.E. : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à Lurçat ?

P.F. : J’ai eu l’occasion de visiter la maison de Lurçat, Villa Seurat, et j’ai été séduit par l’esprit et la liberté de cet artiste. Je le connaissais bien sûr pour la peinture et la tapisserie, mais je ne savais pas qu’il avait aussi créé des tissus et des papiers peints ! Comme une exposition lui était consacrée, c’était l’occasion de lancer simultanément une collection autour de son œuvre. Toute cette collection, deux tissus - dont celui qui recouvre les banquettes de l’exposition aux Gobelins - et trois papiers peints, est inspirée directement d’une quinzaine de planches représentant Arlequin, issues du livre Toupie datant de 1925, et de deux dessins, Sirènes et Soleil.

 

N.E. : Que retirez-vous de cette expérience ?

P.F. : J’espère que cette collection sera appréciée... En tout cas, pour nous, travailler avec des artistes, des œuvres de cette qualité offre une vraie ouverture sur le monde. C’est très nourrissant pour l’équipe créatrice de la société, et cela permet en outre de renouveler périodiquement notre image extérieure en créant la surprise. Cela éveille aussi l’intérêt de la presse et de manière générale positionne qualitativement notre maison dans le milieu du tissu d’ameublement. Par ailleurs nous contribuons à faire connaître des artistes autrement que par les musées ou les expositions. Tout le monde est gagnant !

www.pierrefrey.com

Les tissus réédités par la Maison Frey. Photo Dorothée Demey
Les tissus réédités par la Maison Frey.
Photo Dorothée Demey
Vue de l'atelier de Jean Lurçat, villa Seurat à Paris (XIVe). Photo Mathieu Ferrier
Vue de l'atelier de Jean Lurçat, villa Seurat à Paris (XIVe).
Photo Mathieu Ferrier