Missions et ambitions | Être Président de l’Academie des beaux-arts

Par Jean Anguera, membre de la section de Sculpture,
Président de l’Académie des beaux-arts pour l’année 2020

 

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En novembre 2019, pendant la Séance solennelle de l'Académie, Jean Anguera, alors Vice-président, siégeait à la tribune aux côtés du Président et du Secrétaire perpétuel. Photo Juliette Agnel

 

Lors des séances, le Président doit se mettre en retrait. Fondamentalement le rôle du Président est de donner la parole. Il ne doit donc pas se mettre en avant mais veiller à ce que tous ceux qui le veulent puissent s’exprimer sur le sujet à l’ordre du jour. Il doit s’efforcer de ne pas avoir de parti-pris – il est sans idée, prêt à accueillir, voire à susciter tous les points de vue. Son rôle est d’être attentif aux autres, attentif à ce qu’il n’y ait pas monopolisation de la parole par certains ou mutisme de la part d’autres.

Lorsque je me suis proposé à la vice-présidence, j’ai annoncé que j’étais sans idée – j’entendais par là sans idée préconçue – de façon à rester disponible, curieux, ouvert à la diversité. C’est important pour moi car j’ai le sentiment d’avoir très peu de connaissances assurées, d’être sans certitude définitive. Quelle est au fond cette réalité, dans laquelle nous sommes plongés et où nous essayons d’intervenir à travers nos talents artistiques ? Les dessins que nous traçons, les formes auxquelles nous nous essayons, les techniques et les explications que nous nous donnons se démodent. Par conséquent « saisir la réalité », saisir la nécessité ou le manque dans tous les domaines de l’art, suppose d’additionner toutes les forces possibles, tous nos savoirs, toutes nos expériences, nos sensibilités diverses... les additionner ou les confronter quand ces forces semblent contradictoires, mais éviter de les rejeter de manière définitive car ce qui ne convient pas à un moment donné peut devenir essentiel à un autre. Au moment de sa création, Le déjeuner sur l'herbe de Manet était perçu comme une hérésie, il est regardé maintenant comme un tournant de l’art. Et Van Gogh n’a jamais vendu un tableau de son vivant alors que sa peinture occupe maintenant une place fondamentale dans l’histoire de l’art. Autre exemple : la loi sur l’Architecture de 1977 rendant l’architecte obligatoire pour toute construction importante a eu des conséquences formidablement positives pour le paysage urbain, a considérablement modifié l’appréhension de notre cadre de vie. Quels débats cette loi a-t-elle suscités, a-t-elle été saluée en son temps à sa juste valeur ?

La seconde activité du Président concerne l’ordre du jour qui s’établit en concertation avec le Secrétaire perpétuel et le vice-président, et qui inclut les souhaits exprimés par les membres de l’Académie. Cet ordre du jour répond en partie à l’actualité culturelle, en partie seulement car l’actualité ne doit pas orienter l’entièreté de notre pensée, de nos efforts.

Il y a l’actualité propre à l’Académie : l’avancement de ses projets qui visent à mettre – remettre – l’Académie véritablement au centre de la création artistique contemporaine. Par exemple l’aménagement du Pavillon Comtesse de Caen qui devient un lieu d’exposition plus adéquat et permanent ; il y a aussi la création d’un nouveau site internet plus accessible, plus riche, pour donner un reflet plus exact des activités de l’Académie et des académiciens... Ce sont deux exemples parmi beaucoup d’autres.
 

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Comme le veut la tradition, c'est lors de la Séance solennelle que les Prix sont remis aux lauréats, ici Laurence Egloff pour le Prix de peinture Paul-Louis Weiller. Photo Juliette Agnel

 

L’ordre du jour aborde également des sujets de fond qui exigent du temps et qui doivent s’enchaîner avec cohérence. Ce sont les académiciens, individuellement ou en groupe, qui doivent développer ces réflexions et en conçoivent la diffusion.

Enfin se pose le choix des personnalités invitées qui viennent alimenter par leurs communications les débats internes de l’Académie.

Il y a donc une réflexion de fond et le Président, qui n’est là que pour un an, doit l’accompagner, parfois la relancer ou la recadrer, mais il n’est pas maître du temps long. Celui-ci appartient aux instances supérieures.

L’élection d’un nouveau président a lieu chaque année, au préalable désigné comme candidat par les sections artistiques à tour de rôle, les peintres, puis les sculpteurs, les architectes..., de façon à ce qu’aucune discipline ne prenne le pas sur les autres, qu’aucune ne se sente lésée.

Cette année en principe la présidence revient à la sculpture. S’il y a des sujets propres à cette discipline qui sont nouveaux ou qui doivent refaire surface, je ne manquerai pas de les proposer à l’ordre du jour, toujours en accord avec le Secrétaire perpétuel et le Vice-président. De toute façon il n’y a pas véritablement de question qui soit indifférente aux autres sections. Les arts exercent une forme de retentissement les uns sur les autres. Ce qui se passe chez l’un va avoir une influence sur les autres comme le signal d’un changement global, d’un phénomène général qui va progressivement s’étendre à toutes les formes d’expressions.

La cohérence et le suivi sont au centre de mes préoccupations, selon une vision forcément personnelle mais qui doit s’accorder à celle à plus long terme du Secrétaire perpétuel, maître de toute décision et sans lequel rien ne se fait.