Patrimoine de l'Académie | Le Pavillon Comtesse de Caen, Palais de l’Institut de France

Par Jean-Michel Wilmotte, membre de la section d’Architecture

L’ancienne salle Comtesse de Caen de l’Institut de France, exclusivement dévolue depuis 1872 à l'Académie des beaux-arts, a fait l’objet d’une profonde rénovation intérieure conçue gracieusement par l'architecte Jean-Michel Wilmotte. Bénéficiant d’une muséographie et d’éclairage adaptés, ce lieu ouvert au public offre aujourd'hui un espace d’exposition remarquable, qui répond désormais au nom de Pavillon Comtesse de Caen.

 

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Le Pavillon Comtesse de Caen, aile droite du Palais de l'Institut de France, dont la restauration extérieure vient de s'achever. Photo CMP

 

Née à Paris en 1809, Anne-Sophie Marchoux, comtesse de Caen, était une mécène passionnée par l’art. Son père Louis-Auguste Marchoux était un honorable notaire parisien, et sa mère Marie-Sophie Vernier apparentée à la lignée de l’influente famille Le Quinquet de Soissons. 

Flamboyante et lumineuse, elle grandit, curieuse, passionnée, exaltée à l’épicentre de l’effervescence parisienne. Personnage reconnu, son père fit construire la galerie Vivienne achevée en 1826 par l’architecte lauréat du grand prix de Rome en 1779, François-Jacques Delannoy. Anne-Sophie dut son titre à son mariage avec Camille-Maximilien, comte de Caen. Faute d’enfant, elle s’adonna tout au long de sa vie à ses deux passions.  

L’Art fut la première. Elle réalisa elle-même de nombreuses œuvres, exposées aujourd’hui au musée, peintures, sculptures, tapisseries, crochets. Nous lui devons notamment la réalisation des cariatides de la galerie Vivienne. La seconde fut la nature, inspirante et nécessaire à sa création artistique ; elle fera tout au long de sa vie de nombreuses retraites dans sa demeure de Bellevue puis au prieuré de Saint George que sa cousine Louise Alexandrine Rollet lui légua. 

 

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Le portrait de 
Anne-Sophie Marchoux, comtesse de Caen (1809-1870), par Adolphe Yvon (1817-1893). Photo CMP

 

De cette femme, il est dit qu’elle avait la beauté qui charme et l’esprit qui séduit. Charitable et dévouée elle aimait soigner les malades, s’occuper des personnes nécessiteuses, partager ses ressources avec les plus démunis. Esprit libre, elle se dévoua aux causes qui lui tinrent à cœur, loin des préoccupations de la mode ou des conventions portées par son temps. 

À sa mort elle légua une partie de sa fortune au prieuré et une autre à l’Académie des beaux-arts. Son testament fut rédigé en faveur des jeunes artistes, lauréats du Grand Prix de Rome, afin de leur ôter quelques soucis matériels susceptibles d’entraver la création artistique. Ainsi, son legs leur permettait de bénéficier d’une somme au sortir de la villa Médicis afin de leur faciliter leur réinstallation à Paris. 

Au lendemain de sa mort, Henriquel Dupont, dans la séance annuelle de l’Académie des beaux-arts, dira : “Le legs le plus considérable est celui de madame la comtesse de Caen, qui a destiné la plus grande partie de sa fortune, non seulement à la formation d’un musée, mais au payement d’une pension de quarante mille francs pendant trois ans aux peintres, sculpteurs, architectes qui reviennent de l’école de Rome”.  

La seule obligation en échange sera de produire une œuvre librement choisie à destination de la décoration du musée. Petit clin d’œil au gouvernement qui souvent commandait un projet aux artistes sortant de leur résidence à Rome avec un sujet imposé. Une entrave au génie selon elle.

Par un décret en date du 24 juin 1872, l’Académie fut autorisée à accepter le legs ; une aile du Palais de l’Institut, le Pavillon des arts, était désormais affecté à l’Académie pour y présenter les œuvres des artistes-peintres, sculpteurs – au retour de leur séjour à l’Académie de France à Rome. Au fil du temps, cette salle accueillera de nombreux autres évènements de la vie de l’Académie : les expositions des lauréats du Grand Prix d’Architecture, celles du Prix de portrait Paul-Louis Weiller (prix de renommée internationale créé par le mécène Paul-Louis Weiller, élu membre de notre Compagnie en 1965), les expositions statutaires de la Casa de Velázquez présentant chaque année le travail de ses pensionnaires durant leur séjour à Madrid, les expositions des photographes lauréats du Prix Marc Ladreit de Lacharrière ou, plus récemment, des artistes lauréats du Prix Avati.

149 ans après, nous voilà réunis ici, au sein de l’Académie des beaux-arts, haut lieu de la sauvegarde de l’art et du savoir, haut lieu du soutien à la création, haut lieu du mécénat ; ici même où de nombreux illustres personnages se sont vus remettre leur épée d’académicien ou une décoration : Jean Dewasne, Maurice Béjart, André Wogenscky, Guy de Rougemont, Gérard Oury, Jean Balladur, Henri Verneuil, Jeanne Moreau, Paul Andreu, Laurent Petitgirard, Francis Girod, Marc Ladreit de Lacharriere, Vladimir Velickovic, Lucien Clergue, Brigitte Terziev, Yann Arthus Bertrand, le prince Karim Aga Khan, Jacques Rougerie, Sheikha Mozah, William Christie, Patrick de Carolis, Jean-Jacques Annaud, Ousmane Sow, Philippe Montebello, Sebastião Salgado... 

 

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L'espace d'exposition entièrement rénové par l'architecte Jean-Michel Wilmotte en 2019. Photo CMP

 

C’est donc dans la continuité du soutien et de l’amour pour l’art de la comtesse de Caen, que nous inaugurons une nouvelle salle d’exposition entièrement rénovée, et rebaptisée Pavillon comtesse de Caen. Habillé d’une robe Volga et de lumières d’apparat, nous avons fait de cet espace un écrin dédié aux expositions. Très scénographique, modulable, nous avons choisi d’en contrôler la lumière, en créant une ambiance propre à chaque exposition afin de toucher au mieux le public. En conservant les peintures au plafond et le parquet d’origine nous avons fait le choix de maintenir l’esprit de la pièce.  

Pour cette exposition inaugurale nous avons l’honneur d’accueillir le photographe Raghu Rai, lauréat de la première édition du Prix de Photographie de l’Académie des beaux-arts - William Klein, un événement tout à fait exceptionnel puisque l’artiste n’a pas montré son travail en France depuis cinquante ans.